COMPRENDRE LE SILENCE

Pourquoi les victimes de violences sexuelles ne dénoncent-elles par leur agresseur.euse ? Si les violences sexuelles sur mineur.e.s sont si répandues, pourquoi n’en n’entendons pas davantage parler ? Selon une étude réalisée par IPSOS au profit de l’AIVI, les victimes parlent pour la première fois de ce qui leur est arrivé, en moyenne, 16 ans après les faits. Pourquoi ?

En résumé

  • Les tactiques mises en place par l’agresseur.euse (menaces, chantage affectif, etc.) ;
  • L’affection de la victime  pour son agresseur.euse  ;
  • La peur de faire exploser une cellule familiale;
  • Le silence de l’entourage qui pousse à se taire ; 
  • L’amnésie traumatique ; 
  • Le silence de la société ; 
  • L’absence de mots pour décrire les faits.
 © Elisabeth Woronoff

Les tactiques d'intimidation de l'agresseur.euse

L’agresseur.euse met souvent différentes tactiques en place pour s’assurer du silence de sa victime. Il peut s’agir de menaces directes (« tu te tais ou je te tue ») ou des menaces indirectes. L’agresseur.euse peut par exemple se montrer très cruel envers des animaux et montrer indirectement ce dont il est capable. Il/elle peut aussi utiliser du chantage affectif (« si tu m’aimes, tu ne diras rien »).

La confiance en l'agresseur.euse

Dans la majorité des cas, l’agresseur.euse n’a cependant pas besoin de dire explicitement à sa victime de se taire. Les actes de violences sexuelles sur mineur.e.s sont généralement commis par des personnes de confiance : des membres de leur famille ou des proches. Dans ces cas, il suffira généralement à l’agresseur.euse d’utiliser de son aura, de sa position d’autorité ou de son rôle de pédagogue pour assurer l’obéissance silencieuse de sa victime (« Tu sais toutes les petites filles font ça »).

La peur

Le silence s’explique aussi par la peur. Dans les cas où l’agresseur.euse est une personne proche, a fortiori lorsqu’elle fait partie d’un même cercle familial, dénoncer les violences revient à se mettre à dos une personne aimée, qui constitue parfois un pilier de leur existence. Pour de nombreuses victimes, dénoncer, c’est accepter que ces personnes qu’ils aiment tant ne les aimeront plus; c’est apprendre à désaimer.

Mais, dénoncer c’est aussi risquer de faire exploser une cellule familiale, certains liens de parentés ou d’amitié qui sont pourtant forts. C’est accepter que le groupe dont on fait partie n’existera plus, ou pire que le groupe continuera à exister sans lui/elle. Derrière le silence, il y a ainsi la peur de ne pas être cru.e. C’est aussi risquer d’être isolé.e, d’être seul.e, d’être exclu.e.

Eva Thomas, est la première victime d’inceste, à avoir témoigné en France à visage découvert, en 1986. Elle explique : « On a l’impression qu’on a une bombe entre les mains… que si je parle, la famille va exploser. A la fois on a la rage d’avoir vécu ça, et puis aussi, on continue, enfin moi je continuais à avoir beaucoup de tendresse pour mon père ».

L'ignorance (ou l'absence de mots)

Dans certains cas, il y a aussi l’ignorance. L’enfant en bas âge n’a pas toujours les mots pour s’opposer aux violences mais aussi, pour les dénoncer et ce d’autant plus qu’il ne connait pas toujours la limite entre le bien et le mal, la marque d’affection et l’abus.

Le silence de l'entourage

Pour sortir du silence, il faut comprendre qu’il y a quelque chose à dire et savoir que l’on peut être entendu. Or, pour certaines victimes, le lien entre la divulgation et l’assurance de trouver un soutien et une consolation n’est pas évident.

Le traumatisme vécu entraine parfois des signes tels que des insomnies, des problèmes de mémoire, de l’auto-mutiliation, de l’hypersexualisation, de l’isolation, ou encore des pensées suicidaires.

Souvent, pourtant, l’entourage ne le voit pas; il ne comprend pas. Ce silence est évocateur pour l’enfant : s’il a beau envoyer des signaux de son malaise et que son entourage se tait, c’est qu’il vaut mieux se taire. Il reste dans l’attente d’un sauvetage qui ne vient pas et comprend de ce fait qu’il a eu raison : il vaut mieux se taire.

Et puis, il y a les enfants, trop nombreux, qui parlent et dont la parole demeure sans suite. Cette dernière réalité peut être difficile à comprendre. D. Dussy l’explique : « les adultes de la famille incestueuse se divisent en deux grandes catégories. Ceux qui ont été eux-mêmes incestés et qui sont habitués au silence dans leur chair ; ceux-là ne savent pas parler. Et, pour le dire un peu vite, mais juste, ceux qui n’ont pas été incestés et qui préfèrent sacrifier un membre de la famille – l’incesté – pour leur confort. L’incesteur a, dans 30 % des cas selon les enquêtes statistiques, lui-même vécu des relations sexuelles incestueuses précoces ».

Le silence de la société

Les violences sexuelles sur mineur.e.s demeurent un tabou dans nos sociétés. Depuis les années ’30, une étude sur l’inceste est publiée et partagée dans les journaux à peu près chaque décennie. A chacune de ces occasions, la société s’étonner et s’interroge sur l’ampleur du problème et ses conséquences. Pourtant ces études restent sans suite. Cette image, d’une société qui tolère ou du moins se tait devant les souffrances, favorise elle aussi le silence.

L'oubli (la mémoire traumatique)

Le silence des victime s’explique parfois également par le fait que les victimes ne sont tout simplement pas conscientes qu’elles ont été victimes de violences sexuelles lorsqu’elles étaient mineures. Pour en savoir plus sur la mémoire traumatique, cliquez ici.

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